Wonderland
Un slogan qui "ne-s'use-que-si-l'on-s'en-sert", une usine au coeur des Puces... C'étaient les Piles Wonder. Saga.

 

Une femme nommée Courtecuisse

C'est en été 1916, qu'Estelle Courtecuisse crée, à Paris, dans le dix-huitième, une petite entreprise de piles et d'accumulateurs électriques. L'anglophilie ambiante, la volonté de saluer I'effort de guerre des alliés britanniques, et l'espoir- d'ailleurs vite concrétisé - de compter l'armée anglaise parmi ses clients vaut à l'entreprise sa raison sociale de "Wonder". Dès la fin de la guerre, Wonder s'installe à Saint-Ouen. L'entreprise va alors connaitre un essor ininterrompu sous la direction de Monsieur Victor Courtecuisse, qui restera à la tête de l entreprise jusqu en... 1970.

 

Les vingt glorieuses

Les années 50 et 60 seront pour Wonder les Vingt glorieuses: boum de la demande intérieure lié à l'apparition et au développement des transistors, essor des marchés africains. et aussi, comme à l'origine, importantes commandes militaires, liées aux guerres d'Indochine et d'Algérie. L'entreprise est aussi associée à la mise au point de la force de frappe, pour laquelle elle fournit des piles spéciales. Pour faire face à cette expansion. de nouvelles unités sont créées à Vernon, Louviers, Lisieux, Pontchateau...

En 1966. Wonder détient plus de 37% du marché des piles loin devant deux autres sociétés françaises Leclanché et Mazda.

Le marché français est très protégé par ses sructures mêmes de commercialisation: les piles sont placées auprès des détaillants par des représentants, pouvoir entrer sur le marché suppose l'investissement d'une importante force de vente (Wonder a plus de 200 représentants sur toute la france).

 

La révolution alcaline

La situation se dégrade à la fin des années 60. Les commandes militaires diminuent, le développement des grandes surfaces rend la pénétration des marques étrangères plus facile.

Au début des années 70, I'apparition des piles alcalines permet l'arrivée en force de l'américain Duracell et des constructeurs japonais. Les entreprises françaises et européennes sont peu préparées à cette révolution technique. Pour Wonder, elle se produit au plus mauvais moment, alors que l'entreprise s'est lancée dans une coûteuse et peu rentable opération de jointventures en Afrique (on produit des piles Wonder à l'emblème de la tete de lion jusqu'à Bobo Dioulasso). La pile "qui-ne-s'use-que-si-l'on-s'en-sert" commence de plus à traîner une image de marque vieillie, et les divisions au sein de la famille Courtecuisse, qui possède toujours la majorité du capital de l'entreprise, empêchent tout choix stratégique.

 

 

La "Blitzkrieg" de Tapie

En 1984, la famille est décidée à vendre. Bernard Tapie finit par prendre le contrôle de Wonder, après une rude empoignade avec la Banque Worms.

L'accent est mis sur la productivité, selon les chiffres de Bernard Tapie, Duracell produit 500 000 piles / salarié / an, Wonder 120 000. De nombreux sites sont fermés en province: Pontchateau, Lisieux, plusieurs unités à Louviers .

En quelques mois, 600 salariés sont licenciés, I'action Wonder augmente de 560%.

Bernard Tapie s'associe alors à Francis Bouygues pour racheter SAFT-Mazda, détenu par la CGE. Il affirme son intention de faire du nouveau groupe le leader européen sur le marché des piles.

La "restructuration" continue, avec la vente par appartements de l'entreprise les activités "piles militaires", puis "piles spéciales" sont ainsi cédées à Leclanché, Wonder ne gardant que les produits de grande consommation.

 

"Nanard" contre le petit lapin

Début 86, une grande campagne de publicité conçue par Jacques Séguéla vise à dynamiser l'image de marque de Wonder autour du slogan " marche à la Wonder ". Pièce maîtresse de la campagne, un clip publicitaire joué par Bemard Tapie lui-même où l'on voit le chef d'entreprise mener une vie trépidante, entouré d'une nuée de collaborateurs ébahis par son énergie, jusqu'à ce qu'ils découvrent les fameuses pile électriques fichées dans le dos de leur patron. Cette parodie "gore" du petit lapin de Duracell se termine curieusement par une "panne", Bemard Tapie s'écroulant de tout son long - non sans un clin d'il en direction de la caméra - une fois les piles vidées.

 

La chute de la maison Wonder

Fin 86, le site historique de Saint-Ouen est fermé.

En 88 , le groupe Bernard Tapie revend SAFT-Mazda-Wonder à l'américain Ralston, qui cherche à implanter en France sa marque Energizer.

Fin 94, la dernière usine Wonder encore en activité est fermée à Louviers.

Le groupe Ralston conserve une usine en France, I'ancienne unité SAFT de Caudebec-les-Elbeuf. ou sont encore produites résiduellement des piles Wonder, surtout destinées à l'Afrique noire et aux DOM-TOM, où la notoriété de la marque demeure très élevée.

Quant à l'ancienne usine de Saint-Ouen, après un long conflit juridique - Ralston pensait en avoir acquis la propriété - Bernard Tapie l'a cédée à l'un de ses amis antiquaires, Monsieur Steinitz, à qui elle sert aujourd'hui de dépôt.