[ Healing Waters ]






LINDA TROELLER


Biographie



Née aux Etats-Unis en 1949, Linda Troeller a étudié les Beaux-Arts à l'Université de Syracuse avant
de fonder le département de photographie d'art au Lycée d'Etat de Stockton dans le New Jersey, où elle a
enseigné jusqu'en 1980. Elle a reçu le "Ferguson Award" en 1989 et le prix "Pictures of the year" de
l'Université du Missouri/National Press Club en 1992.
Son travail a été largement exposé aux Etats-Unis et à l'extérieur: "TB-AIDS Diary" à la Biennale de La
Havane, Cuba: "Testimonies" au Fotofest de Houston, "Body and Soul" à Boston, Musée DeCordova; "Bad
and Klinik", Ludwig Forum, Aix-la-Chapelle, Allemagne; "Healing Waters", SABA Gallery, New York; N.C.E.
Galerie, Paris. Il figure dans les collections du Musée des Beaux-Arts de Houston, du Musée de l'Elysée de
Lausanne, Suisse; de l'Université de Californie entre autres, et a été publié par le New York Times, Life
Maqazine, Créative Camera et European Photography. Certaines des images de Linda Troeller figurent dans
" Human Condition ", éditions Graphis Books, New York 1997.
Linda Troeller vit et travaille à New York, elle est représentée en Europe par N.C.E. Photographie
contemporaine, Paris; et pour la presse par l'agence Vu, Paris; Grazia Neri, Milan et SABA Gallery, New York.



Textes de Linda Troeller extraits du livre:


Le docteur François Forestier, cinquième du nom, dont l'arrière grand-père avait reçu Napoléon, m'a fait visiter
les thermes romains construits sur /emplacement de la source. Des siècles durant, ceffe eau a coulé au cur de
la terre, suivant les crevasses. ruisselant le long des fissures, et se minéralisant.
" Combien de temps nous faudra t-il pour retrouver le savoir des Anciens sur les vertus curatives de l'eau ?
Contrairement aux Améncains, les Français ne craignent pas les microbes mais les produits chimiques. Votre
eau est si chlorée. me dit-il, qu'elle est privée de toutes ses vertus. "

Une prêtresse Wicca m'a emmenée acheter une petite amulette contenant les os broyés de femmes
prématurément disparues. Selon un rite ancien, nous avons enduit nos ventres de cette poudre, puis plongé
dans une piscine naturelle pour retourner leurs âmes aux eaux. Les esprits de ces femmes, ainsi libérés,
exauçaient des vux

Sally Mann m'ecrivait un jour, à propos de la maison de son enfance, en Virginie, non loin de sources thermales. "
J'ai toujours pensé qu'il y avait quelque chose de miraculeux dans le simple fait d'être debout à la fenêtre, à côté
du plus beau Cézanne, et de regarder ma mère lire, tenant une cigarette du bout de ses doigts effilés, en sentant
autour de nous la présence bienfaisante des eaux ".

Nous étions réunis dans une grotte, en l'honneur d'une déesse, afin de célébrer l'eau, élément lié à la fertilité et à
la puissance dans la culture païenne. Cette grotte manne était considérée comme un lieu saint. Nous avons
plongé dans le ressac, nous reminéralisant, retrouvant des sensations essentielles que nous avions perdues.
Les vagues déferlaient. me submergeaient, je me sentis soudain très excitée. Un médecin qui vit mes
photographies plus tard, m'expliqua qu'il avait utilisé l'orgasme comme thérapie. afin de renforcer le système
immunitaire de femmes atteintes de cancer à un stade avancé.

Debout sous la douche, j'imaginais mon père laissant flotter sa jambe, le regard fixé sur la ligne ondulante du
rivage, s'hypnotisant ainsi jusqu'à ne plus sentir sur son pied que le flux et le reflux bienfaisant de l'eau.
Il lui fallait sept minutes pour enlever ses bandages et tremper le pied dans l'eau. Le talon gauche de mon père
avait été emporté pendant les combats de l'hiver 44 sur la ligne Siegfried. Ses vêtements lui avaient servi de
garrot. Le pire, ce furent les dix-huit mois d'hôpital, les trois mille six cent injections de pénicilline. Il fallut
l'appareiller. C'est seulement lorsque nous nous rendions aux sources et aux lacs qu'il amvait à oublier. Quand
on est profondément meurtn il faut grandir ou mourir " Qui connait le moment de l'acte qui fera germer, pour la
vie, des habitudes ? " écrivait Wordsworth. C'est à cet endroit que j'ai compris pourquoi j'étais attirée par l'eau.


Adaptation francaise: Emmanuelle Bajac




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