[Galerie nationale du Jeu de Paume]

 

Arman


New York Marathon, 1978 © ADAGP, Paris 1998

 

 

Arman est, sans conteste, l'une des figures les plus singulières et les plus importantes de l'art de cette seconde moitié du siècle. Accumulations, colères, coupes, combustions..., les gestes d'Arman, provoquants et scandaleux lorsqu'il les inventa au tout début des années 60, sont aujourd'hui devenues des jalons essentiels de l'histoire de l'art du Xxe siècle. Ils constituent aussi souvent une référence implicite pour de nombreux jeunes artistes contemporains.

L'artiste, son oeuvre

Depuis son plus jeune âge, son désir d'appropriation conditionne fortement le regard que l'artiste porte sur le monde Arman accumule. Aussi bien les objets que les connaissances ou les émotions. Il est avide d'expériences multiples et la démesure du nombre le stimule et le provoque intensément. Musique, archéologie, arts martiaux, peinture, jeu d'échecs, jeu de go, objets d'art primitif, armures japonaises, voyages..., constituent de grands domaines de prédilection dans lesquels il s'investit totalement en tant qu'homme et en tant qu'artiste.

Dès la fin des années 50, son approche de l'art sera de celles qui provoquera, autour de Pierre Restany, l'émergence de l'un des mouvements d'avant-garde les plus radicaux de l'après guerre, le Nouveau Réalisme. Arman en sera d'ailleurs l'un des artistes fondateur, le 27 octobre 1960, et l'un des représentants les plus actifs.

Mais l'invention créatrice d'Arman est trop vaste et trop ambitieuse pour se laisser réduire à une esthétique d'école. Elle croise - et parfois anticipe - aussi bien le Pop Art, que le Happening, l'Art Conceptuel et même l'Expressionnisme abstrait. Son "appropriation de la réalité objective" du monde passe surtout par la relation spécifique qu'il entretient, à partir de 1959, avec l'objet et dans laquelle se déploie son inépuisable capacité à le transformer par les moyens les plus inattendus, à en révéler la dimension esthétique en lui conférant le statut d'oeuvre d'art et à en faire surgir le potentiel émotionnel. Ses oeuvres apparaissent ainsi comme des icônes de notre temps, magnifiques ou dérisoires, spectaculaires ou réservées, mais toujours incontournables.

Les "Poubelles", réalisées dès 1959, représentent l'une des expressions les plus radicales de la pensée esthétique d'Arman et, très certainement, la métaphore et l'exposé les plus purs de la démarche générale de l'artiste. Ainsi, ces poubelles sont transformées en de véritables tableaux et Si leur qualité picturale, due au choix de leur contenu, est paradoxale, elle est pourtant incontestable car leur matière, leurs couleurs, leur composition interne, montrent qu'Arman se comporte ici en peintre et attache plus d'importance à la surface de l'oeuvre qu'à son caractère tridimensionnel et sculptural.

Les "Accumulations ", obéissant au principe de la répétition àl'identique, opèrent un véritable déplacement de la nature propre de l'objet pour la conduire sur un territoire où sont magnifiées ses qualités ignorées ou insoupçonnées. Le nombre agit ici comme révélateur de l'essence profonde de l'unité et c'est à ce propos qu'Arman parle de masse cdtique. La multiplication et la confrontation renvoient aux règles qui régissent les espèces et dans lesquelles l'individu n'a de sens que pour le rôle qu'il joue au sein du groupe. Ainsi, les "Accumulations" d'Arman traitent de l'ordre des choses, visent à une autre organisation du monde dans lequel les valeurs esthétiques prévaudraient sur l'usage. Elles proposent d'orienter notre regard , de le détourner pour mieux le vivifier et le déconcerter.

A cet égard, la collaboration entre Arman et la Régie Renault, engagée à partir de 1967, lui permettra d'aborder une dimension qui le surprendra lui-même et les réserves de pièces détachées et d'éléments d'automobiles des ateliers Renault seront utilisées par l'artiste comme un matériau pictural inattendu et riche de surprises.

Les "Colères ", quant à elles, et quel que soit le processus de destruction employé: coupe, combustion, explosion, fracassement, atteignent au paroxysme dans la mise en oeuvre d'une attitude, apparemment contradictoire, dans laquelle l'irrespect du traitement appliqué par Arman à l'objet en exalte la dimension esthétique et abstraite et, transformant radicalement son statut, le situe irrémédiablement sur le territoire de l'art.

Il en est de même des accumulations de grandes dimensions, érigées par l'artiste en des lieux spécifiques (valises et horloges à la Gare Saint-Lazare, drapeaux au Palais de l'Elysée ou chars d'assaut pris dans le béton devant le Ministère de la Défense à Beyrouth) qui deviennent de véritables monuments, affirmant leurs râles de signaux d'une époque en laquelle la réponse de l'artiste au monde fait souvent figure d'exorcisme.

 

L'exposition

L'exposition de la Galerie nationale du Jeu de Paume réunit plus de cent oeuvres, réalisées entre 1959 et 1997, qui marquent les moments fondamentaux du parcours de l'artiste.

Depuis les toutes premières "Poubelles "jusqu'aux "Cascades "les plus récentes, n'ont été retenues que les oeuvres qui expriment au mieux la volonté de rupture et l'invention dans l'expression dont Arman a su faire preuve dans son travail dès l'origine.

Après sa présentation à Paris, l'exposition sera aoeueillie par de grands musées internationaux, à Ludwigshafen (Allemagne), à Lisbonne (Portugal) et à Tel Aviv (Israèl)

[Galerie nationale du Jeu de Paume]