[Musée des Beaux-Arts et de la Dentelle ]


Forger l'espace
La sculpture forgée au XXe siècle

 

Au cours du siècle écoulé, la sculpture forgée a connu un tel essor, une telle diversification qu'on pourrait presque la considérer comme un phénomène artistique spécifique à cette époque. Presque, si l'on oublie les splendides réalisations des siècles précédents.

Toutefois ce sont bien dans les premières décennies de ce siècle que les recherches de Picasso, Gonzalez et Gargallo, l'utilisation qu'ils font du fer, jusque là cantonné au monde industriel, ouvrent une voie nouvelle en sculpture, dépassant les techniques traditionnelles et ancestrales de la taille (du marbre, de la pierre, du bois...) et de la fonte (en bronze essentiellement).

La sculpture peut alors s'ouvrir à l'espace, mais aussi parfois affirmer son côté manufacturé, tout en accédant au statut d'oeuvre unique (en opposition au multiple de la fonte).

Berto Lardera, Ouverture Solaire II
collection de l'artiste

L'introduction du fer puis de nouveaux matériaux en sculpture lui a permis de se libérer de conventions contraignantes. Leur résistance ou leur élasticité autorisent des réalisations que ni le bois ni la pierre ne peuvent concevoir.

La sculpture forgée distend considérablement les possibilités de la création sculpturale.

Les questions de couleur et de texture sont devenues très importantes, en particulier dans le choix des matériaux.

La préférence de Deacon pour l'acier galvanisé ou de Reinhoud pour le cuivre répond à la couleur, au brillant ou à la matité du métal. Si certains sculpteurs veulent que le martelage ou la soudure restent visibles (Gonzalez, Chirino, Labauvie, Chillida, Woodrow), d'autres veulent au contraire effacer toute trace pour obtenir un objet impeccable.

Un Cueto, un Domela, un Kemeny ont su mêler les métaux ou les peindre mais ce n'était pas assez pour d'autres. Afin de diversifier couleur et texture, les artistes ont fini par adjoindre toutes sortes de matériaux. Au fer, Caro ajoute de la terre et du bois, Deacon du contreplaqué ou du linoléum. Lynn Chadwick mélange de la limaille, du plâtre ou du sable à ses structures de fer. C'est au contraire la transparence qu'ont cherchée les constructivistes en mariant le métal avec le verre ou la lumière (Pevsner, Kotchar, Schôffer), ou bien le métal et la matière plastique.

L'objet trouvé ou de récupération a fait son entrée dans l'art avec le cubisme et dada. Son utilisation découle naturellement de la pratique du collage dont il est une forme en trois dimensions. N'importe quel objet peut être retenu par l'artiste pour l'incorporer à sa sculpture ou son installation : morceau de cabestan chez Caro, tôle de récupération chez Chen, chez les Dakpogan, compressions de voitures, motocyclettes ou n'importe quel objet utilitaire chez César. Les assemblages de déchets et d'objets de hasard récupérés constituent enfin le fondement de l'art étonnant de Tinguely ou de Stankiewicz.

Quant aux grands fondateurs de l'art du fer (Gonzalez et Gargallo, puis Calder, Picasso) pour fondamentalement sérieux qu'ils aient été dans la conduite de leur art, ils y ont introduit maintes fois une dimension importante : l'humour.

L'exposition Forger l'espace n'a pas l'ambition de montrer tous les artistes qui ont forgé le fer et travaillé le métal, un panorama complet est impensable. Elle ne prétend pas non plus établir un palmarès des meilleurs en ce domaine.

Il s'agit de montrer, avec une petite centaine de pièces, historiques ou plus récentes, ce qui a pu être fait de beau et d'émouvant avec du métal forgé.

D'Europe et des Amériques, d'Afrique et d'Asie, des sculptures diverses proposent leur extraordinaire diversité.