[ La Terrasse ]

La collection d'art primitif de Victor Brauner
et oeuvres sur papier de Victor Brauner


Statue Déblé Sénoufo/Victor Brauner "Sans titre" vers 1961-1963


Il est inutile d'insister sur l'intérêt, maintes fois souligné, porté par la plupart des artistes majeurs du premier demi-siècle aux formes d'art dites "primitives". Ce phénomène primitiviste, largement étudié par les historiens de l'art du XXème siècle, souffre toutefois trop souvent d'un déficit d'information, de nombreuses collections, parmi les plus fameuses, ayant été dispersées avant qu'un inventaire, même succinct, en ait été dresse.

La collection réunie par Victor Brauner nous est, quant-à-elle, fait rarissime, parvenue dans sa quasi intégralité préservée jusqu'à sa mort par sa veuve Jacqueline, elle se trouve aujourd'hui intégralement conservée au Musée d'Art Moderne de Saint-Etienne, léguée par cette dernière en 1987 en même temps qu un ensemble unique d'oeuvres de Victor Brauner (peintures, céramiques et un ensemble de 3650 dessins).

Constituée tardivement, sans doute entre 1950 et 1965, cette collection d'art "primitif" renferme, comme souvent chez les Surréalistes, des objets d'origines géographiques diverses (Afrique, Océanie, Amazonie ...) et d'un niveau de qualité parfois inégal, allant du chef-d'oeuvre international - telle cette extraordinaire statue Deble Sénoufo - à la pièce peut-être banale mais dont un détail a pu, à l'instar de Picasso, venir nourrir durablement l'imaginaire de l'artiste.

Les objets constituant la collection Victor Brauner se répartissent selon deux ensembles dominants : le premier composé de masques et statues originaires de l'Afrique de l'ouest et plus précisément des anciennes colonies françaises (Mali, Côte d'ivoire, Burkina Fasso ...) le second d'Océanie avec une dominante d'objets en provenance de Papouasie-Nouvelle Guinée.

De l'ensemble africain, qui rassemble la plupart des ethnies "classiques" (Baoulé, Dogon, Mossi, Bamileke ...) se détachent les pièces Sénoufo : un spectaculaire dessus de casque de danse "Kwonro" et un authentique chef-d oeuvre international, la statue "Deble" recueillie en 1950 par le père Convers dans le bois de Lataba en même temps que les "Deble" aujourd'hui conservés au Musée Rietberg (Zurich), au Musée Barbier-Muller (Genève) et au Metropolitan Museum de New York (coll. Rockefeller). On remarquera aussi l'intérêt porté par Victor Brauner à des ethnies moins étudiées comme en témoigne la présence dans sa collection de ces deux masques "Bedu", monumentaux, des Nafana (Côte d'ivoire).

De l'ensemble océanien on retient ce crochet double de suspension à visage humain et cette impressionnante jarre à eau du Moyen Sépik, comme, encore cette sculpture intérieure d'une grande case des hommes Bogmuken (Sud Maprik) ou cette rare figure d'ancêtre en calcaire de Nouvelle Irlande.
Le goût de Victor Brauner pour les pièces a-typiques se révèle, là encore dans le choix d'objets provenant d'ethnies aujourd'hui encore peu connues telle cette extraordinaire figure en écorce battue amazonienne (Kobéua/Uan ana).

Absents de sa collection, les objets en provenance des tribus indiennes d'Amérique du nord n'en ont pas moins constitué pour Victor Brauner une source d'inspiration majeure pendant le dernier tiers de sa vie, comme en témoignent les grandes aquarelles qu'il réalise au début des années soixante. Car, capable de satisfaire l'amateur d'arts premiers, cette collection nous renseigne aussi, telle quelle, sur les choix de Victor Brauner, sur la fascination qu'exerce leur puissance d'envoûtement et nous apprend ainsi beaucoup sur la genèse de bien des oeuvres réalisées par l'artiste dans les années 50-60.

C'est pourquoi cette présentation, totalisant plus d'une cinquantaine de pièces, sera enrichie d'un ensemble d'oeuvres sur papier de Victor Brauner, souvent inédites, rendant compte de manière frappante de l'intensité et de la complexité des échanges que, jusqu'à la fin de sa vie, il entretiendra avec sa collection.

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