[ La Terrasse ]

WilIi Baumeister et la France

 

Saint-Etienne, ville du design, donne un éclairage particulier sur le travail de WiIli Baumeister et montre certaines oeuvres non présentées à Colmar.

Conçue en partenariat avec le musée Unterlinden de Colmar, l'exposition présentée à Saint-Etienne met l'accent sur les relations priviliégiées de Baumeister et les acteurs de la scène artistique française. Elle vise également à mettre en évidence la multiplicité des champs d'investigation de Cet artiste. En effet, l'exposition fera place aux activités de graphiste et de typographe de Baumeister ainsi qu'à ses liens étroits avec le Corbusier.

L'exposition est accompagnée d'un catalogue où sont publiés, sous la direction de Sylvie Lecoq-Ramond, conservateur en chef du musée de Unterlinden de Colmar, des essais, des études dus à des historiens qui, depuis quelques années, se sont attachés à l'étude de cette période.


"Réalisme en Allemagne", "Après le classicisme", "Mythe drame tragédie", "Gerhard Richter", "A. R Penck", "Joseph Beuys", "Raoul Hausmann", "Ludger Cerdes", autant d'expositions conçues dès les années soixante-dix par le Musée d'Art et d'Industrie devenu le Musée d'Art Moderne de Saint-Étienne, qui manifestent l'intérêt réel porté par les musées stépnanois aux artistes allemands des avant-gardes du début du siècle jusqu'aux expressions les plus contemporaines.

Les archives du musée conservent les lettres adressées par Marcelle Cahn au conservateur du Musée d'Art et d'Industie, Maurice Allemand, dans les années soixante, elle y fait l'éloge de son ami le peintre Willi Baumeister. En 1967, le personnage vert (1930) de Willi Baumeister figure avec d'autres oeuvres de l'artiste dans l'exposition Art abstrait les premières générations, 1910-1939.
Ensuite ditfférents aspects de l'oeuvre de Baumeister trouveront tout naturellement leur place dans les grandes expositions consacrées par le musée à l'art européen des années d'après-guerre, "L'Art en Europe: les années décisives, 1945-1953, " en 1987-1983, "Entre la Sérénité et l'Inquiétude" en 1993-1994. Le musée, dès cette époque projette d'organiser avec l'assentiment des filles de l'artiste, Madame Krista Gutbrod et Madame Felicitas Baumeister, une exposition rétrospective consacrée à Willi Baumeister et la France. Conçue en partenariat avec le musée Unterlinden de Colmar, elle sera présentée au musée d'Art Moderne de SaintÉtienne du 22 décembre 1999 jusqu'au 26 mars 2000.

L'exposition "Willi Baumeister et la France" met l'accent sur les relations privilégiées entretenues par Baumeister et les acteurs de la scène artistique française. A Saint-Étienne, elle vise également à mettre en évidence la multiplicité des champs d'investigations de cet artiste.

Peu de créateurs allemands ont su maintenir un tel réseau d'amis artistes en France et ceci malgré les secousses de l'histoire. Dès ses années de formation à Stuttgart, Willi Baumeister s'intéresse aux expressions contemporaines de l'art français, il s'attache particulièrement à l'oeuvre de Cézanne, il s'y ressourcera à maintes reprises. Par la suite, s'engagent un libre dialogue et des confrontations stimulantes entre l'oeuvre de Baumeister et celle des acteurs de la scène française : Fernand Léger, Le Corbusier, Amédée Ozenfant, Marcelle Cahn, Joan Miro, Hans Arp. Le public dans le parcours de l'exposition retrouvera les signes de l'évolution de ces échanges et de ces connivences. Ceci pour évoquer l'exposition de la Galerie Der Sturm, en Allemagne, à Berlin en 1913, où les toiles du jeune artiste allemand sont aux côtés de celles de Fernand Léger. Les deux hommes partagent alors une même attraction pour les formes du monde moderne, et pour l'esthétique de la machine. Après la première guerre mondiale, les contacts reprennent. Dès 1924 des relations s'établissent et s'intensifient avec Ozenfant, Le Corbusier et les milieux de la revue L'Esprit nouveau. En 1927, c'est à la Galerie d'Art contemporain que le public parisien découvre les toiles de Willi Baumeister.

L'exposition du Musée d'Art Moderne de Saint-Étienne, s'attachera tout particulièrement à restituer un des épisodes importants de ce dialogue avec la France. A Stuttgart en 1927, lors de l'exposition internationale du Werkbund qui donne naissance à la cité expérimentale du Weissenhof, Le Corbusier sollicité par Mies van der Rohe avec 17 architectes internationaux, confie à Alfred Roth le soin de coordonner l'édification de deux logements prototypes conçus avec son cousin Pierre Jeanneret. Mais Willi Baumeister en assure le suivi constant et en accord avec Le Corbusier il accroche ses propres toiles aux murs des deux bâtiments. Grâce aux indications de Le Corbusier et aux images d'archives, ainsi qu'à la présence dans les collections du musée d'art moderne d'une collection de design, le décor d'un de ces espaces sera évoqué dans l'exposition. La presse de l'époque souligne l'importance d'une expérience qui permet à "l'architecture nouvelle d'échapper à l'atmosphère aseptisée du laboratoire d'avant-garde pour pénétrer dans la conscience d'un large public"
L'exposition fera place aux activités de graphiste et de typographe de Baumeister puisqu'il est lui méme désigné, étant donné la notoriété qui lui est déjâ acquise dans ce domaine, afin de concevoir tous les documents d'accompagnement de la manifestation du Weissenhof : Die Wohnung; Ceci témoignera donc de la multiplicité des interventions et des centres d'intérêt de Baumeister quand dans les années trente, pleinement conscient des enjeux de l'époque, à l'instar de beaucoup d'artistes de sa génération, il élargit son champ d'expresson.

Par la suite, Willi Baumeister comme beaucoup de ses amis français adhère à Cercle et Carré puis Abstraction-Création. La galerie Jeanne Bucher organise courageusement une exposition en janvier 1939 à Paris : le vernissage permet à l'artiste de revoir Hans Arp, Sophie Taeuber-Arp, Nina et Wassili Kandinsky. Après l'exil intérieur des années quarante, pendant lequel dans le secret de l'atelier il conduit recherches et investigations au sein des formes d'art primitif, les relations reprennent, avec des affinités que nous pourrions qualifier d'électives, affinités que l'exposition "Entre la sérénité et l'inquiétude" avait déjà mises en évidence. Le dialogue Allemagne-France se clôt symboliquement en 1955, à la Documenta I, lors du double hommage posthume rendu à Fernand Léger et Willi Baumeister.

 

[ La Terrasse ]