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                      Rose révolution » Par
                  une froide matinée de novembre, accueillis par un café
                  bien chaud et des biscuits roses, nous déambulons dans
                  le rose, parmi ses 50 nuances, sur les deux étages de
                  l’espace d’exposition qui lui est consacré. La
                  fleur et sa couleur, rose bonbon, rose bébé, rose
                  fillette, garde la mémoire du triangle et de l’étoile
                  rose des camps de concentration, pour donner à voir le
                  rose sous toutes ses facettes, naïve ou provocante,
                  subversive et transgressive. Kévin
                  Bideaux, commissaire de l’exposition, a proposé à des
                  artistes venus de tous les horizons de s’associer à sa
                  quête intime et éminemment engagée, travaillant le
                  rose sur sa propre peau, tatouages et piercing
                  s’associant pour transformer son corps en rose, avec
                  ses multiples pétales de douceur et ses épines. Art
                  militant, où l’artiste sacrifie son corps à l’art,
                  devient œuvre d’art dans sa chair-même, s’offrant sur
                  l’autel de la consommation et de la marchandisation
                  pour mieux le détourner et inviter à voir. Kévin Bideaux, Suicide Girls, 2018 (photo. © A. Garidis) Le corps se déploie, sous toutes ses formes. Au choc de « Raw meat », de Salamandra, clin d’œil provocateur et macabre à « L’Origine du monde » de Courbet, dénonçant la réification du corps féminin, vient se juxtaposer la délicatesse minimaliste du « corps végétal » de Valérie Agneray, où «l’écartèlement» n’est évoqué que par quelques traits transperçant une forme ovale. Corps
                  charcuté, corps sublimé ou symbolique, comme les sexes
                  féminins porte-monnaie de Suzanna Scott. Corps
                  différent, hermaphrodite, hypersexué ou au-delà du
                  sexe, corps torturé, corps jouissant ou corps
                  cherchant à guérir, des toilettes tapissées de petits
                  mots douloureux ou rêveurs, comme un hommage à
                  Duchamp, dans l’installation de Natacha Guiller, à la
                  coupe d’un intestin poreux, tableau hésitant entre la
                  figuration et l’abstraction, créé avec des gélules de
                  médicaments par Barbara Fulneau. Barbara Fulneau, Porosity - Leaky Landscape, 2018 (Photo. © A. Garidis) 
 La chapelle proposée par Azel, vouée au culte de Sainte Dolly, la sainte des sex toys et des poupées gonflables, accueille le visiteur avec son prie-Dieu, tournant le dos à l’écran des rêves pour se consacrer à la bouche béante de la sainte, rejoignant ainsi le culte antique des prostituées sacrées. L’Eglise qui se prostitue, le Sexe sacralisé, ou un grand rire rose transgressif. Azel, Sainte Dolly, 2018 (Photo. © A. Garidis) Le
                  Narcisse rose au plus intime du corps (le gland du
                  pénis d’Olivier Thuillier, sa « part de féminité »
                  devient tableau abstrait, monochrome, détournant les
                  conventions, le rose attribué aux filles devenant
                  l’emblème des garçons, exposant ce qui est caché pour
                  le rendre encore plus secret, le bleu Klein se muant
                  en rose Thuillier) rejoint la lutte sociale, à travers
                  les mouvements féministes et queer. Les cordes roses
                  couvertes de paillettes des « Suicide girls » de Kévin
                  Bideaux pourraient être celles auxquelles sont pendus
                  les condamnés à mort en raison de leurs désirs. ![]() Olivier Thuillier, Ma part de féminité, 2018 Renversement
                  des conventions, détournement de stéréotypes, encore,
                  avec les cousus de FullMano, la couture,
                  conventionnellement pratique féminine, devenant ici un
                  moyen d’expression pour illustrer une scène érotique
                  gay. Double retournement des codes, puisque les trois
                  partenaires sexuels ne sont autres que les trois
                  petits cochons roses du célèbre conte. ![]() FullMano, Les 3 petits cochons, 2016 (Photo. © FullMano) Provocation
                  parfois, mais surtout reconstruction du sens à travers
                  les sens, réhabilitation du rose et de sa fadeur
                  sucrée dans un art multiforme et engagé, cette riche
                  exposition trop vite achevée pourrait être évoquée à
                  travers d’autres œuvres encore. Ce sera, espérons-le,
                  lors d’une prochaine présentation au public. Anguéliki
                    Garidis (agaridis@hotmail.com) Novembre 2018. Madison Ryckman, Les danseuses, 2018 (Photo. © A. Garidis) Chloé Coislier, Enfer Rose, 2018 (Photo. © A. Garidis) ![]() Natacha Guiller, SNG Water Project, installation in situ, 2018 (Photo. © Simon Petit-Fort) Suzanna Scott, Pink Coin Cunt, 2018 (Photo. © A. Garidis) Simon Petit-Fort, Home, 2018 (Photo. © A. Garidis)  |