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 Cinémathèque Française
Musée du Cinéma

Grands Boulevards
Bld de Bonne Nouvelle
Paris - M° Bonne Nouvelle

 

vendredi 1er mars 2002

KLONARIS / THOMADAKI

Films de La Série Portraits
présentés dans le cadre de
la programmation de Nicole Brenez
Libre, pure et dure!
Le portrait au risque du cinéma

à 19h :
Sauro Bellini de M. Klonaris, 15min
Chutes. Désert. Syn de K. Thomadaki, 18min
Selva. Un portrait de Parvaneh Navaï
de Maria Klonaris, 75min

à 21h30 :
Portraits/Miroirs
de M. Klonaris et K. Thomadaki, 75min

précédé de
Prétextes de Raphaël Bassan, 13min

En présence des cinéastes

Plein tarif : 4,7 E (31F) Tarif abonné : 3 E (20 F)
La salle ferme 10 minutes après le début de la séance

 

KLONARIS / THOMADAKI
La Série Portraits

Si les premiers portraits que nous avons réalisés au début de notre pratique filmique en Grèce (1968-73) rendent surtout compte d'attachements affectifs et que leur geste est celui d'une prise de parole spontanée, émue, mais encore tout près d'un réel peu médiatisé par l'imaginaire, le double auto-portrait Double Labyrinthe (1976) qui initie une nouvelle étape dans notre pratique, restitue un espace délibérément intérieur, un temps transformé, des événements agis de l'autre côté du miroir. Dès lors, notre scène privilégiée sera celle de l'inconscient et de l'imaginaire.

La mise en place du procédé de la réversibilité des rôles filmante/filmée (nous passons successivement derrière et devant l'objectif) tient d'une intention de démontage de certains schémas idéologiques : bouleverser les rôles figés, abolir les rapports de pouvoir, demeurer sujet au sens fort du terme des deux côtés de la caméra. Ainsi l'existence d'un sujet filmant, traditionnellement sujet du désir, ne suppose plus un objet filmé / objet du désir, mais, par un renversement désaliénateur, l'objet du regard se transforme à un degré tel par son propre imaginaire, qu'il s'impose comme sujet regardé.

Nous introduisons alors le terme "actante" pour désigner notre fonction devant l'objectif - par opposition au terme actrice. Nous appelons notre cinéma corporel. Cinéma du corps révolté mais aussi sublimé, ritualisé, traversé par la réapparition du multiple, du baroque, du magique, de l'archaïque, lieu passionné de la manifestation du dedans, espace mental, imaginaire et projectif. Le corps de l'actante s'ouvre tout entier à l'émergence du moi. Sa représentation est une auto-représentation. Mais cette auto-représentation passe inévitablement et voluptueusement par le regard de l'Autre, celle qui filme, de sorte que le film se construise au carrefour de deux désirs, de deux identités. Rencontre d'inconscients. Entrelacs et chiasme. Miroir réciproque.

Cette position, qui traverse toute la Tétralogie Corporelle , nous a menées à une réflexion renouvelée sur le portrait. Le processus relationnel fait le noyau des Portraits de femmes que nous réalisons depuis 1979 parallèlement aux cycles "mythologiques" de l'Unheimlich et des Hermaphrodites, même si cette fois-ci les actantes ne participent pas à l'inversion des rôles filmante/filmée pratiquée entre nous.

Au lieu d'identité il vaudrait mieux parler ici de mystère, de glissement dans la pénombre de l'Autre/filmée. Le pouvoir évocateur de sa présence attirée et attirante devient l'élément structurant par excellence du langage filmique. Fondement de la construction syntaxique de l'uvre, le "fascinant" opère comme un révélateur à double tranchant : miroir rompu et restitué où l'on reconnaît à la fois le sujet filmant et le sujet filmé, comme si chacun faisait partie de l'autre. Conjonction dans l'imaginaire.

M.K- K.T., dépliant Klonaris/Thomadaki : Portraits/Miroirs,
Musée National d'Art Moderne, Centre Pompidou, 1984

 

vendredi 1er mars 2002 à 19h

Maria Klonaris
Sauro Bellini
de la Série Portraits

Super 8 couleurs, 15min, silencieux, 1982
Conception, réalisation, image, montage : Maria Klonaris
Avec : Sauro Bellini

(...) Je l'aborde. Il est étranger, Italien de Venise, dans deux jours il repart. Entre le dialecte vénitien et l'anglais, le sourire, le regard et le rire, je m'explique : "Volio filmarti comme un angelo di Quattrocento, capisci ?"
Il me dit qu'il s'appelle Sauro Bellini, descendant des Bellini, qu'il a vingt deux ans, qu'il étudie les maths, qu'il n'aime pas être photographié, encore moins être filmé. Il me dit qu'il n'a rien à voir avec le cinéma, qu'en fait il déteste le cinéma - trop violent pour lui.
Je l'invite à une projection de mon portrait filmé Isa en automne,
qui passe au "Studio 43" le lendemain, "...puis on en reparlera...".
Il dit qu'il essayera de venir.
Il vient à la projection, il aime le film, il dit O.K.
le lendemain après-midi au Jardin des Plantes pour le tournage.
Il vient. Il est là avant l'heure.
Peu de paroles échangées, presque tout passe par le regard.
Il se donne à ma caméra. Il se concentre et il s'abandonne.
Il devient Sauro Bellini, angelo di Venezia.

M.K., Paris, 1982

 

Katerina Thomadaki
Chutes. Désert. Syn
de la Série Portraits

Super 8 couleurs, 18min, silencieux, 1983-85
Conception, réalisation, image, montage: Katerina Thomadaki
Actante : Syn Guérin

 


© Klonaris / Thomadaki

 

La chute, motif corporel, musical, rythmique et existentiel.

Syn dit : "se laisser choir, s'abandonner à la spirale de la gravitation déclenchée par le déséquilibre ou le saut dans le vide. Energie projetée. Le court instant de suspension, l'envol avant l'impact. Chute et rebond. Dérapages dans le sable".

Organisations spatiales obliques et horizontales, étalement et désintégration du temps, ensembles structurés et variantes aléatoires. La chute, danse suspendue.

K.T., Paris, 1985

Dans Chutes. Désert. Syn c'est le corps de la répétition, non pas de la redite mais de la souple résurrection, corps qui meurt et qui revit dans une danse sans souffrance. Corps du désert qui n'est plus désertique mais habité par l'attraction du ciel qui est, elle, aussi forte que celle de la terre. Un corps pour les étoiles, le même qui plonge dans les Enfers.

M-J. Mondzain, catalogue Rétrospective Klonaris/ Thomadaki,
Paris, Galerie Donguy-A.S.T.A.R.T.I., 1985.

 

Maria Klonaris
Selva. Un portrait de Parvaneh Navaï
De la Série Portraits

Super 8 couleurs, 75min, sonore, 1981-83
Conception, réalisation, image, conception sonore : M. Klonaris
Actante : Parvaneh Navaï
Montage : M. Klonaris, K.Thomadaki
Réalisation sonore : M. Créis, M. Burguière, M. K., K. T.

 


© Klonaris / Thomadaki

 

Le portrait abordé comme un moment privilégié de rencontre entre deux sujets : celle qui filme et celle qui est filmée.
Devant ma caméra Parvaneh Navaï agit comme une médiatrice qui entre en contact avec les énergies de la nature et les laisse la pénétrer, en même temps que sa propre énergie intérieure irradie et résonne dans la forêt ("selva").
La caméra amplifie et prolonge sa présence en transformant la forêt en espace imaginaire. La caméra devient pinceau.
Transes - danses, projections hors corps. Selva : le portrait-voyage d'une femme que je rencontre dans l'inconscient.

M.K., 1983

 

vendredi 1er mars 2002 à 21h30

Klonaris / Thomadaki
Portraits / Miroirs de la Série Portraits

Super 8 couleurs, 75min, silencieux, 1984
Conception, réalisation, image, montage:
Maria Klonaris - Katerina Thomadaki
Par ordre d'apparition, portraits de :
Martine Rousset, Raphaël Bassan, Gérard Courant, Mythia Kolésar, Gaël Badaud, Bertrand Gadenne, Catherine Zbinden, Unglee, Stéphane Marti, Aloual, Berndt Deprez, Vivian Ostrovsky, Yann Beauvais, Christian Lebrat, Dominique Noguez, Bernard Roué, Alain Sayag, Jean-Michel Bouhours, Pascal Martin, Michel Nedjar.

Dans le cadre d'une commande du Cinéma du Musée du Centre Pompidou, l'installation de projection Portraits/Miroirs a été spécialement conçue pour prolonger notre présentation radiophonique du cinéma expérimental en France (Atelier de Création Radiophonique, France Culture, 1983), en vue de la rediffusion de l'émission dans la salle de cinéma du Musée. Le film qui est l'élément central de cette installation comprend dix-neuf portraits de cinéastes, critiques, organisateurs, interprètes, compositeurs. Cette série de portraits ne se veut pas un panorama exhaustif mais une expérience de communi-cation créative. Tout en portant un regard subjectif sur d'autres artistes, nous avons essayé de nous ouvrir au maximum à leur spécificités. Nous avons voulu chercher des ponts entre des démarches hétérogènes, révéler la cohérence dans la diffé-rence, la discontinuité dans la convergence.
Certaines règles du jeu étaient adoptées au départ, vu que ces portraits ont été conçus comme un ensemble :
- une à deux bobines Super 8 (3 à 6 minutes) seraient consacrées à chaque intervenant.e.
- mis à part quelques choix d'écriture visuelle fixés à l'avance, le travail de caméra serait totalement improvisé sur le champ. La prise de vues impliquerait un montage ultérieur, malgré une part importante de montage "dans la caméra".
- nous avons demandé aux intervenant.e.s de venir habillé.e.s en noir et en blanc et d'apporter un ou plusieurs éléments faisant référence à leur travail (objets, photos, diapositives, etc.)
- sur place nous avons demandé à chacun.e de se mettre en rapport avec un ou plusieurs miroirs de ceux que nous avons utilisés dans nos films précédents, puisque chez nous le miroir est un objet-clé : dans sa fonction constitutive de la subjectivité, il désigne par excellence les rapports croisés et complexes entre symbolique, imaginaire et réel.
Pour la première présentation publique de Portraits/Miroirs, nous avons mis en place un dispositif de triple projection. Sur l'écran central était projetée la série de portraits. Sur deux écrans disposés à gauche et à droite de l'écran central étaient projetées deux boucles de film figurant chacune de nous en train de filmer ou de photographier - caméra à la main, caméra/il. Ainsi le rapport filmante/filmé.e et la relation particulière du double auteur avec l'Autre était traduits spatialement par le triangle du dispositif de projection.

M.K. / K.T., 1984

 

Site Internet Klonaris/Thomadaki, rétrospective virtuelle 1975-2000 : http://mkangel.cjb.net