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Cinéma L'Ecran de Saint-Denis
Journées cinématographiques dionysiennes

EXODES

Du 6 au 12 mars 2002

Place du Caquet
9300 Saint-Denis
M° Basilique de Saint-Denis/ligne 13

CARTE BLANCHE A MARIA KLONARIS ET KATERINA THOMADAKI

autour de "REQUIEM POUR LE XX° SIECLE"

Dimanche 10 mars, 2002 à 18h30

EXILS


L'expérience de l'exil touche profondément la conscience contemporaine. Les exodes qui marquent le XXe siècle éclairent les cartographies du pouvoir qui étranglent la planète. Toutes les catégories d'oppressions y participent : de la violence extrême de la guerre, des totalitarismes, de la criminalité économique institutionalisée, jusqu'aux oppressions sociales endogènes - de classe, de race, idéologiques ou sexuelles. C'est ainsi que les opprimés-exilés, disons les étrangers, deviennent souvent les catalyseurs de mouvements vers l'avant. Après avoir subi le traumatisme de quitter une frontière, ils sont bien placés pour en défaire d'autres.

Les oeuvres qui composent ce programme disent l'exode, le déplacement, l'exil. L'exil comme traumatisme tant pour celui ou celle qui l'a vécu dans son propre corps que pour celle ou celui qui en ressent toute la charge dévastatrice. Chez Mona Hatoum ou Nil Yalter la question de l'exil est sujet autobiographique. Toutes deux parlent à la première personne. Qu'il s'agisse de la présence de leur visage ou de leur voix, leurs films se construisent autour d'un vécu qui atteint leur propre corps. Si Hatoum rend son visage l'emblème silencieux d'un désespoir contenu, écran vide interdit de parole, Yalter situe le sien dans un univers plastique qui relie la sensualité orientale aux volumes tridimensionnels inventés en images de synthèse. Chez l'une le sujet féminin dénonce son exclusion de la parole, chez l'autre il crie son multiculturalisme, ses origines hybrides et revendique sa relation également intense avec le passé et l'avenir. Atsushi Ogata, pour sa part, rassemble des images d'archives et projette dans les visages resserrés de douleur les litanies des personnes déplacées pendant les guerres récentes. Lis Rhodes travaille sur l'infigurable de l'exode, du voyage forcé sans fin. Elle filme des lieux abandonnés, devastés d'absence, un camp d'immigrés peut-être, où la lumière électrique veille encore. Dans ce désert résonne un récit fragmenté : des débris de phrases, de mots qui se superposent, témoignent l'immigration clandestine, la peur, la persécution, la déshumanisation. Le montage rigoureux du film épouse la gravité du son, jusqu'au rythme même de la voix. Quant à Marina Grzinic et Aina Smid, ce qui apporte l'intensité dramatique dans leur film, ce ne sont pas les images de camps de réfugiés bosniaques qui apparaissent ici et là en arrière fond, mais ces corps chorégraphiés qui semblent surgir, tout tremblants, convulsifs, d'une catastrophe. Ce qui est figuré, ce n'est pas l'événement traumatique en soi, mais son retentissement et son marquage psychique. Les corps se rencontrent et tentent de s'aimer, sans pouvoir s'empêcher de répercuter toute la violence qu'ils ont absorbée.

Avec une immédiateté intensément visuelle, ces oeuvres énoncent les deuils et les révoltes des exils.
Maria Klonaris - KaterinaThomadaki

Nous tenons à remercier ici Olivier Pierre pour cette invitation à présenter notre film Requiem pour le XXème siècle accompagné d'une carte blanche
d'oeuvres autour du thème de l'exil, ainsi que Nicole Brenez qui nous a fait découvrir "Exodes".

Programme

Maria Klonaris - Katerina Thomadaki (France/Grèce):
Requiem pour le XXe siècle
vidéo BETA SP Pal, couleur, sonore, 1994, 14min

Atsushi Ogata (Japon) :
Refuge
vidéo BETA SP Pal, couleur, sonore, 1993, 8min

Mona Hatoum (Royaume Uni/Liban) :
So Much I Want To Say
vidéo, BETA SP, Pal, n&B, sonore, 1983, 5min

Lis Rhodes (Royaume Uni) :
Running Light
vidéo, BETA SP, Pal, n&b, sonore, 1997, 14min

Nil Yalter (France / Turquie) :
Les Rites Circulaires
vidéo, BETA SP, Pal, couleur, sonore 1992, 1min
Calligraphie
vidéo, BETA SP, Pal, couleur, sonore, 1993, 3min

Marina Grzinic / Aina Smid (Croatie/Slovénie) :
Labirint
vidéo, BETA SP, Pal, couleur, sonore, 1993, 12min

Remerciements à A.S.T.A.R.T.I. archives et éditions

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Klonaris/Thomadaki
REQUIEM POUR LE XXe SIECLE
Opus 18 du Cycle de l'Ange

Vidéo, 14min., N&B et couleur, sonore, Pal, 1994
Conception, image, réalisation : Maria Klonaris, Katerina Thomadaki
Musique originale : Spiros Faros

 

 

Maria Klonaris a découvert dans les archives de son propre père, gynécologue en Alexandrie, une image, la photographie d'un hermaphrodite, aux yeux bandés, ainsi qu'il est d'usage dans l'imagerie médicale. Les deux artistes se sont approprié cette image qui a pris la place de la saga sur leur propre visage et qui est venue occuper tout l'espace de leur interface. Elle est devenue la figure de l'Ange, anghelos, messager, et du martyre, témoin, martyras en grec voulant dire aussi témoin. Dans leur uvre vidéographique Requiem pour le XXe siècle, l'hermaphrodite, mis en rapport avec des actualités de la seconde guerre mondiale, a cessé d'être un fantasme littéraire ou une simple figure mythologique pour se dresser comme un authentique manifeste de la vigilance et de la mélancolie.
L'Ange apporte aussi le thème apocalyptique du feu, donc de la brûlure. Les artistes ont travaillé, tour à tour, sur la tâche, sur la macula, sur la combustion, sur la lumière, sur les images stellaires, sur ce corps de feu, sur cet ange qui, les yeux bandés, ne regarde pas ce siècle mais lui rend témoignage. Dans Requiem pour le XXe siècle il est dans une situation de maintien, "main-tenant". Et cette main qui tient le maintenant, c'est à dire notre présence au monde, est une main tenant précisément l'image du siècle. L'Ange se tient debout, face au présent, sans fuir, témoin de la catastrophe. Ce maintien résonne dans la double sonorité de la présence et du courage de qui ne défaille pas. Ainsi les deux artistes, deux femmes qui ont combattu pour la dignité de leur sexe, ont porté la question bien au delà du sexuel pour affronter le siècle, pour dire leur violence. Leurs images mettent le visible à feu et à sang, mais du côté de l'ange, sans répandre la mort, car l'art est toujours don de liberté donc don de vie.

Marie-José Mondzain
Philosophe, directeur de recherche au CNRS

 

Maria Klonaris et Katerina Thomadaki sont cinéastes et artistes pluridisciplinaires. Elles réalisent des films, des vidéos, des installations multi-média, des performances, des compositions sonores, des photographies numériques et analogiques. Elles publient de nombreux articles et des ouvrages. Figures marquantes du cinéma expérimental, à la fin des années 70 elles initient et théorisent le "cinéma corporel". Dans le prolongement de leur pratique filmique elles réalisent des environnements complexes de projection qui croisent les media. En 1985 elles fondent A.S.T.A.R.T.I. Pour l'Art Audiovisuel. Depuis 1990 elles conçoivent et dirigent les "Rencontres Internationales Art Cinéma / Vidéo / Ordinateur" et les éditions A.S.T.A.R.T.I. Katerina Thomadaki est maître de conférences associé à l'Université Paris I, Sorbonne.

 

Site internet KLONARIS / THOMADAKI, Rétrospective Virtuelle 1975- 2000
http://mkangel.cjb.net