Sommaire "Catalogue Baumaux"



Le Catalogue Baumaux



Pour classer plus objectivement mes tableaux j'avais extrait d'un catalogue de fleurs
une liste de titres publiée en anglais. Cet inventaire, traduit en français,devenait
évocateur d'images colorées et pouvait fort bien correspondre à une collection
d'uvres d'art. Je me situais alors bien au-delà du simple tableau: des représentations,
des objets, des figures faisaient surface. Certains titres collaient parfaitement à des
esquisses ou à des documents photographiques que je possédais, et la rencontre
du mot et des images rendait pleinement valide l'apparition d'oeuvres que j'avais
jusqu'alors refoulées.D'abord me vint l'idée d'une collection à reconstituer: la "Collection BAUMAUX", puis le remaniement de la liste originale, et la disparité des hypothèses
que chaque titre engendrait, me conduisit à parler plutôt du "Catalogue BAUMAUX".
Pour organiser les informations diverses que j'avais accumulées - titres, définitions,
croquis, images de presse, reproductions d'uvres d'artistes, etc. - l'outil idéal était
l'ordinateur. C'est une machine remarquable lorsqu'elle est dédiée à cette tâche.
Je pouvais à travers elle classer ma liste, développer une base de données, récupérer
mes images et les manipuler à souhait, modéliser les projets et faire de chaque idée
une représentation virtuelle. Ce qui m'a séduit dans cette procédure c'est qu'elle évacuait
le risque trop évident du style de l'artiste: variation jusqu'à la mort autour d'un sujet et
d'une manière de faire. Je m'efforçais de m'éloigner ainsi de "l'ego" pour ne constituer,
comme le relevait un texte écrit à mon sujet, qu'une figure en retrait qui aurait la volonté
de s'abstraire et de perturber le moins possible la diffusion de son oeuvre. Remplacer
la signature par l'anonymat.
La technique dérivait directement du collage ou de l'assemblage, mais les outils
informatiques me permettaient d'en gommer les effets pour produire à terme des entités
homogènes. Les applications numériques aident finalement à transformer "des vessies en
lanternes", et perturbent de cette manière les limites de la réalité. Je me suis rendu compte
que je pouvais faire du trafic d'image et modifier la vérité, rendre possible des greffes incon-
cevables par d'autres moyens. Il devenait envisageable de casser le principe chronologique
de l'histoire et d'escamoter certaines données. Récupérer des copies et leur restituer une
apparence d'original... J'ai trouvé très excitant d'approcher certaines méthodes, certains
raccourcis, qui font entre autre le terreau du révisionnisme ou de la désinformation.
Tu me demandais pourquoi il me paraissait encore nécessaire de fabriquer des oeuvres
que l'on accroche au mur. Je crois que c'est pour évaluer cette limite entre la réalité
et l'illusion, entre l'objectivité et la falsification. C'est une façon de contaminer le réel avec
des mariages contre nature et d'évaluer jusqu'où les outils informatiques peuvent manipuler
l'histoire et ses preuves, puis réinjecter des programmes douteux dans le réseau de la com-
munication. L'un de mes fantasmes serait de me comporter comme une sorte de "hacker"
de l'histoire de l'Art.


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