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Espace des Arts Mitsukoshi-Etoile





© MIWA Kyûsetsu XII


MIWA Kyûsetsu XII

Céramiste japonais contemporain
“Amour, humour, Thanatos”


(A propos de l’exposition « Eros d’argile et Thanatos fusionnels », à l’Espace des Arts Mitsukoshi-Etoile, à Paris, du 10 mars au 9 mai 2009)



    Des vases d’une blancheur de neige, glaçure de Hagi, s’élancent dans des diagonales audacieuses. Des bols à thé, corolles épanouies, épaisseur tendre, striée de pétales écarlates, s’offrent aux lèvres des amateurs raffinés.


Bol à thé (chawan), Première floraison, 1982.
H 10 x W 11, 5 cm.


    Objets usuels touchés par la grâce d’une sensualité qui traverse l’œuvre. Eros est décliné sous toutes ses formes : du corps morcelé, fétiche (sexe-fleur ou fruit, mains, entrailles amoureuses « tendre océan des entrailles maternelles », escarpins au talon tordu, poitrines féminines et visages torturées par la souffrance, tels les démons ou revenants (Yôkai) sans corps et à la tête monstrueuse dessinés par Hokusaï) à l’amour universel, « inconditionnel » du bouddhisme. L’artiste s’est représenté lui-même dans différentes postures bouddhiques, comme naissant d’une graine ou d'un fruit ou bien priant les yeux bandés, embrasé par une lumière intérieure, révélation ou inspiration créatrice, jusqu’ à la phase de son ultime réincarnation, debout sur une fleur de lotus largement ouverte, en train d'atteindre le Satori - l'Eveil suprême, auquel l'artiste aspire.




Amour
H 24,9 x W 43,9 x D 34,9 cm.


    Blancheur et ombre portée inscrite dans la matière, coulées volcaniques, bois rongé de statues délaissées, l’art céramique de Kyûsetsu XII parvient à rendre tous les états de la matière, de sa naissance, lave en fusion, à sa mort (silhouettes qui s’effritent, céramiques brisées, corps calcinés, fragmentés, décomposés, dragon géant morcelé, rouge comme le feu, noir comme la cendre).



Impératrice, 1977
H 18 x W 65,5 x D 25 cm.
Musée département des Beaux-Arts de Yamagushi


    Toutes les étapes de la vie et de la mort réunies sont évoquées dans cette œuvre prolifique et riche en contrastes. Kyûsetsu XII, sous le signe de Tanizaki, tel un « vieux fou », va jusqu’à mettre en scène sa propre mort, vue par des archéologues du futur.
    Tombeau d’humour et de gloire, squelette au sexe d’or dressé, entouré d’un appareil photographique, d’un sabre, d’écritures inventées et gravées sur l’or formant un écrin pour une vulve qui se détache comme un sourire – clin d’œil à la reine, sa femme, glorifiée à ses côtés.



Tombe d’un Roi de l’Antiquité, 1979-1993.
H 73 x W 163 x D 360 cm.
Musée département des Beaux-Arts de Yamagushi


    Modernité et tradition se côtoient dans la tombe imaginaire comme dans l’œuvre de MIWA Kyûsetsu XII, « confession impudique » (Tanizaki) et pudique à la fois, qui se nourrit de l’art de ses ancêtres – lignée célèbre de céramistes – pour créer des formes nouvelles, personnelles, inspirées par l’Orient et l’Occident.

Anguéliki GARIDIS, mars 2009.