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Les trésors flottants de Motoko




Depuis des années, Motoko Tachikawa explore le végétal, à travers des matériaux divers, utilisant le zinc, la cire, la gravure, le fil, la toile ou le papier. C’est son travail sur l’orchidée qu’elle a choisi de présenter à la galerie Mansart. Peignant à l’encre de Chine, dessinant au pastel, intégrant de temps à autre des collages dans ses compositions, c’est surtout la forme des fleurs que l’artiste sonde, délaissant la couleur au profit du noir et blanc, des nuances de gris, les coulées de l’encre sur le papier suggérant les racines. De l’orchidée, ce sont avant tout ces dernières, ces oubliées, ces effacées derrière le chatoiement des pétales, que l’artiste donne à voir, prenant ainsi, à côté de la luxuriance colorée des fleurs, à peine évoquée parfois par une touche de jaune ou de bleu, un chemin de traverse qui ouvre la voie vers l’imaginaire. L’artiste creuse le réel à travers des détails infimes, travaillant la densité ou la dilution de l’encre pour évoquer le vide et le plein, fidèle ainsi à la tradition de la peinture chinoise classique.

Dans sa contemplation des orchidées, Motoko ne devient pas fleur, mais racine, en prise avec les origines. Mais ici, elles n’évoquent pas l’humus sombre, puisque les racines aériennes de ces fleurs se contentent d’air et de lumière, puisent leurs forces dans la rosée. Sans terre, presque sans eau, elles semblent des fleurs « angéliques », immergées dans un monde flottant, réussissant à survivre avec le minimum, fleurs minimalistes, comme l’œuvre de l’artiste. Propices à l’abstraction, les racines deviennent parfois insectes, mais à la place du papillon aux ailes veloutées, c’est l’araignée, insecte à la beauté discrète, qui semble invitée ici, avec ses longues pattes.

Lorsqu’elle ne peint pas, Motoko crée des livres, qui s’ouvrent comme des rouleaux chinois et japonais ou de minuscules paravents, ou encore des livres cousus ou jouant sur la transparence grâce à du papier ciré. Quelques vers, un haïku, accompagnent dessins, collages ou photographies en noir et blanc. Recherche de l’épure, pour rejoindre l’esprit des plantes, fixer à l’encre de Chine l’existence des fleurs, ou révéler à travers quelques objets l’esprit d’un enfant : ainsi, « le trésor de Yukiko », ces objets minuscules recueillis au jour le jour par la fille de l’artiste, qui deviennent calendrier de « simples ».

Avec une grande réserve et une émotion discrète, l’artiste choisit de révéler la secrète beauté des choses.


Anguéliki Garidis





 


 

Site de l’artiste : http://www.motokotachikawa.com/


Exposition du 9 avril au 17 mai 2015
à la GALERIE MANSART
5, rue Payenne – 75003 Paris

du mardi au dimanche de 14h à 19h