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                        Photo : Maia W.


Les obsessions serpentines
de M. Hernandez
Flores ocultas

Faiseur de livres
Œuvres monumentales
Biennale de Venise
Cycle des Jardins rituels
Cycle des Vénus
Années soixante
Constructions en bois


Biographie

E-mail :  jacinta.chansons@gmail.com



La peinture de Mariano Hernandez,
entre obsession et lumière


Cycles d’œuvres monumentales ou intimistes, sombres ou saturées de couleurs, aux lignes dures ou fluides, aux formes convulsives ou adoucies, où le message politique côtoie les jardins intérieurs, où mythes anciens et modernes se mêlent à la mythologie personnelle du créateur, une multitude des genres s’entrecroisent dans l’art de Mariano Hernandez.





Venus del canapé, 1977
acrylique sur toile, 235 x 185 cm
collection du LAAC (Musée d'Art Contemporain, Dunkerque)




Rêvons un peu devant ce monde peuplé de personnages, réels ou imaginaires, en voie de métamorphose, femme-oiseau, femme-féline, femme-guitare, chatte humanisée prise dans une ondulation multicolore ou pigeons chaussés de galoches pour se protéger de l’adversité, miséreux envahis par le gris de la ville, à qui le peintre tente de rendre leur dignité d’oiseaux du paradis.
Corps à mi-chemin entre l’animal et l’humain, créatures hybrides dans la lignée des arts amérindiens, traditions millénaires réinventées, entre joie infinie et souffrance insidieuse.





Cycle : Galaxia
Taudis, inventaire journalier, 2007
acrylique sur papier, 75 x 56, 50 cm
© Mariano Hernandez


Des personnages imbriqués les uns dans les autres surgissent comme un langage et se rétractent à l’image d’une écriture qui attend d’être déchiffrée. Oubliés de la société réunis pour raconter leur histoire muette, chenille silencieuse suspendue comme un alphabet secret.
Fruits solitaires imprégnés de la détresse de l’artiste, solitudes qui se côtoient dans la multitude. Monstres qui s’agitent dans une quête effrénée de vérité, où les couleurs tour à tour crient ou s’apaisent.





Cycle : Le Silence des pauvres :
Minush et M. Baguette, 2003,
acrylique sur papier, 30 x 25 cm

© Mariano Hernandez





Cycle : Le Paysan de Paris :
Bords de Seine I, 1987-88
acrylique sur toile, 380 x 200 cm
© Mariano Hernandez



Chiens au visage humain caressés par des mains sans visage, mains torturées jaillies sur la toile, mains encore humaines qui cherchent à retenir l’amour dans un monde devenu muet, cri silencieux au milieu du fracas. Réduire la représentation de son corps pour se faire plus proche du chat, n’être plus qu’une main qui caresse, une tête monstrueuse, tordue par la tristesse, qui essaie de percer le secret de l’animal. Les regards démultipliés du cycle des Jardins rituels sont devenus mains crispées dans les œuvres plus récentes, comme si toucher devenait nécessaire pour se raccrocher au réel.





Série : Jardins rituels :
Présences dans un noir infini, 1974
peinture à l’acrylique, 195 x 195 cm

© Mariano Hernandez



Les frontières se brisent, l’homme retrouve l’animal en lui, et l’animal plonge dans le cycle des métamorphoses. Animaux sereins, corps estropiés s’embarquent pour un voyage à Canopée, loin du réel, rejoindre les fruits devenus planètes, comme le visage de l’artiste et celui de sa muse, qui tourbillonnent, astres brûlants d’amour et de colère, sans plus réussir à se rencontrer, éperdus de solitude. Quand l’univers extérieur du peintre se rétrécit, les fresques monumentales, jungles multicolores qui s’ébattent au soleil, laissent place à l’univers intérieur.





Cycle Soledades :
Soledades de Otono, 2003
acrylique sur toile,162 x 131 cm
© Mariano Hernandez





La familia « Pan-flauta », 2001
245 cm x 185 cm, acrylique sur toile
© Mariano Hernandez



Comme Xavier de Maistre, Mariano Hernandez « voyage autour de [s]a chambre » : un chat, des fruits, un monde intime qui se dilate, explosion d’un imaginaire où les fantômes du quotidien se mêlent aux cris des autres, dont l’histoire – celle des faits divers déconcertants d’horreur ou des miséreux de la terre, affamés, blessés, pulvérisés – irradie le cœur de sa lumière livide. Solitude majestueuse envahie par un monde qui le déchire de sa souffrance sans fin.
Les lignes et les aplats de couleur bien délimités de la peinture monumentale s’estompent, évoluent vers plus de fluidité, s’épurent pour retrouver la douceur des tableaux peints à l’adolescence, personnages au visage mélancolique arrêtés dans des scènes du quotidien.





Interior, 1954
huile sur toile, 150 x 110 cm
© Mariano Hernandez



Retour à un monde plus personnel, loin des symboles et des concepts. L’œuvre se déploie dans un nouveau cycle qui oscille entre le réel, souvent amer ou terrible, et des échappées toujours plus grandes dans l’imaginaire. L’enfant assassiné par sa mère, fait divers venu hanter le peintre, devient un astre en pleurs qui illumine les rêves des oubliés, embarqués pour des galaxies plus paisibles. Et le visiteur, entraîné dans un élan coloré qui ondule d’une toile à l’autre tel une vague d’espoir, tangue entre la tristesse et la joie.





Cycle : Soledades :
Minouche et l'enfant aux larmes, 2007 (détail)
152 cm x 125 cm, acrylique sur toile
© Mariano Hernandez



Les obsessions du peintre deviennent des leitmotive qui s’enroulent les uns dans les autres. Univers circulaire qui tourbillonne, entre larmes et sourires éperdus. Les larmes rouges du petit Pakistanais, esclave enfantin à peine éclos au corps disloqué, brisé déjà, sculpture presque cubiste qui tend  à l’essentiel, rejoignent celles du petit David, étranglé par sa mère, tourment de l’artiste qui lui offre une place dans son cirque personnel.





El Pakistanito, 1995
Construction en bois peint
 (60 x 40 x 20 cm)
© Mariano Hernandez





Cycle : Soledades :
Family life, 2007
acrylique sur papier, 105 x 75 cm
© Mariano Hernandez



L’enfant en pleurs devient enfant-fleur, enfant-nuage, enfant-astre emporté par l’arche spatiale où se bousculent M. Baguette et M. Fourchette, l’homme-machine et la femme-guitare, espace réconcilié où le chat est relié à l’oiseau, êtres et choses réunis dans une fraternité lumineuse où l’enfant et le fruit deviennent des frères siamois aux racines retrouvées. L’enfant prend un peu de l’essence de la fleur pour s’élancer dans l’espace coloré.





Cycle : Le Silence des pauvres :
« Voyage au bout du silence », 2002
 acrylique sur toile, 215 x 160 cm 
© Mariano Hernandez



Fluidité d’un monde qui se rassemble dans une communion première, où un chat aux yeux tendres devient corps enveloppant, divinité géante, satellite protecteur où fruits éparpillés et traînées de larmes sur les joues de l’enfant trahi échangent leurs substances, dialogue de formes et de couleurs où bleu et rouge s’interpénètrent, à l’image de cette transsubstantiation lumineuse.





Cycle : Le Silence des pauvres :
« Voyage à Canopé », 2003.
acrylique sur toile, 162 x 131 cm
© Mariano Hernandez



Carnaval joyeux où des personnages malicieux surgissent de la couleur, inventaire comme issu d’un poème de Prévert où se bousculent dragons et fruits, chiens grimaçants et chats rêveurs, personnages sans tête ou sans corps, oiseaux candides ou angelots chevelus. Tout comme il investissait les espaces pour les intégrer à son univers, Mariano Hernandez projette sur la toile un peuple bigarré échappé de ses songes.





Birds of Paradise, 2004
acrylique sur papier, 20 x 50 cm
collection privée, Deventer (Hollande)




Œuvre redevenue solaire, proche de l’art populaire sud-américain, créations multicolores qui entremêlent les espèces dans une danse sacrée, art de peuples brimés, exténués, habités pourtant d’un espoir infini. « Vitalité désespérée », énergie insatiable d’un alchimiste de la couleur qui cherche à transmuer la douleur en joie.

                            Anguéliki Garidis, 2007


Tableaux 2009 : Flores ocultas
Tableaux 2012 : Les obsessions serpentines de M. Hernandez
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